En 1978, soit vingt-cinq ans après sa réalisation, sortait en France Voyage à Tokyo, premier film du maître japonais Yasujirô Ozu diffusé sur les écrans hexagonaux. Le cinéaste, auteur de plus de cinquante films, était alors décédé depuis quinze ans… Si la découverte – hors circuit cinéphile – fut tardive, la reconnaissance artistique fut immédiate.
Dans une démarche créatrice très personnelle, Ozu filme depuis toujours les gens ordinaires dans leur vie quotidienne, c’est le shomingeki. Voyage à Tokyo s’inscrit dans ce courant : un couple visite ses enfants à Tokyo. Mais tout les oppose désormais : leur travail, leur style de vie, leur attachement à la famille. Car les enfants obéissent certes aux rituels filiaux, mais sans conviction. Installés dans la vie avec conjoint et enfants, ils ont une "situation", et n’ont plus le temps pour ces parents d’une autre époque, qui les gênent désormais. Ces derniers s’en rendent compte, mais c’est dignement qu’ils en souffrent, entre sourires et excuses. Ozu, cinéaste de l’intime, filme une réalité sociale : la dissolution de la cellule familiale traditionnelle. Les sentiments s’usent, la vieillesse sera solitaire. Calme et bouleversant, Voyage à Tokyo est un portrait en creux du temps, celui qui passe, qui éloigne et qui use les corps jusqu’à la mort.
Passé maître dans l’art de l’épure (du geste, de la parole, de l’expression des sentiments, du jeu des acteurs), Yasujirô Ozu invite à la contemplation. Sa caméra est fixe, à hauteur de tatami, droit dans les yeux de ses personnages. Un cadrage ascétique qui influence la perception des situations filmées. Du dépouillement naît l’intensité.
« Le Voyage à Tokyo est donc une œuvre "très ozuesque", peut-être davantage que toutes les autres œuvres d’Ozu. Car, tout en débordant littéralement d’une foule de signes divers, Le Voyage à Tokyo cache en son cœur un je-ne-sais-quoi, impossible à déterminer, qui, nous ôtant tout désir de décrypter ces signes, nous pousse au contraire au silence. » (Kijû Yoshida, Ozu ou l’anti-cinéma, Actes Sud / Institut Lumière)
Voyage à Tokyo (Tôkyô monogatari)
Japon, 1953, 2h16, noir et blanc, 1.37
Réalisation : Yasujirô Ozu
Scénario : Kôgo Noda, Yasujirô Ozu
Photo : Yûharu Atsuta
Direction artistique : Tatsuo Hamada
Musique : Takanobu Saitô
Montage : Yoshiyasu Hamamura
Décors : Tatsuo Hamada
Costumes : Taizô Saitô
Production : Takeshi Yamamoto, Shôchiku Films
Interprètes : Chishu Ryu (Shukichi Hirayama, le père), Chieko Higashiyama (Tomi Hirayama, la mère), Setsuko Hara (Noriko Hirayama), Sô Yamamura (Kôïchi Hirayama), Kuniko Miyake (Fumiko Hirayama), Kyôko Kagawa (Kyôko Hirayama), Osaka Shirô (Keizô Hirayama), Haruko Sugimura (Shige Kaneko)
Sortie au Japon : 3 novembre 1953
Sortie en France : 8 février 1978
Restauration numérique
Distribution : Carlotta Films
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