Musidora naît Jeanne Roques en 1889 à Paris, d’un père compositeur, et d’une mère femme de lettres féministe. Liberté, modernité et art sont les bases de son éducation. Très tôt, elle s’initie à la danse, au chant, à la peinture, au dessin, au théâtre, à l’écriture… C’est en s’inspirant de Fortunio de Théophile Gautier que l’artiste choisit son nom de scène : Musidora. Elle se produit dans les théâtres parisiens et c’est aux Folies-Bergère que Louis Feuillade la remarque et lui ouvre les portes de Gaumont. Elle fera sensation dans son rôle d’Irma Vep dans Les Vampires de Feuillade (1915), mais aussi dans Judex (1916). Elle est d'une beauté inquiétante, fatale, elle est la Vamp. Musidora enthousiasme les surréalistes, Louis Aragon la sacre « Dixième Muse ».
Elle décide de prendre son indépendance et de passer derrière la caméra. Dans un milieu particulièrement misogyne, elle crée sa propre maison de production, la Société des Films Musidora. Elle réalise et produit en 1918 avec sa société, La Flamme cachée : son amie Colette lui en avait écrit le scénario. Musidora enchaîne en 1919 avec Vicenta - sa deuxième production, sur un scénario original de l'actrice (auparavant, elle avait adapté deux textes de Colette : Minne et La Vagabonde) -, qu'elle tourne à Louveciennes et au pays basque. Cette aventure romanesque ne rassemble pas les foules. L’art de l’ellipse a séduit Musidora, mais pas la critique de l’époque. Pourtant le film regorge de trouvailles de mise en scène. « Musidora, comédienne, fait preuve d’un jeu antithéâtral, tirant ses meilleurs effets de son impassibilité même. Les séquences préservées sont d’un vif tempo, amusantes à voir, étonnantes en raison de l’exotisme relatif des prises de vue en Biscaye et du contre-emploi de Musidora en victime. » (Nicolas Gabriel, Jeune Cinéma n°391, décembre 2018).
C’est pour le film Pour Don Carlos, adaptation du roman de Pierre Benoit, que Musidora rencontre Jaime de Lasuen (fils d’un farouche partisan de Don Carlos, prétendant au trône d'Espagne) qui, sous le pseudonyme de Jacques Lasseyne, cosigne ses prochaines réalisations. Elle y rencontre également le torero Antonio Cañero dont elle tombe amoureuse. Elle tombe aussi sous le charme de l’Espagne où, pour elle, règne « une ambiance propice à la création cinématographique ».
« Je résolus de tourner un film que je pourrais revoir dans vingt ans sans déplaisir. Je pensais qu’une image dont la cadence est forte de vérité et d’harmonie reste comme une page bien écrite. On a plaisir à la relire. » Ce sera Soleil et ombre, sans doute son film le plus accompli. Tournant en extérieurs à Tolède, Musidora endosse, en plus de la réalisation, un double premier rôle, offrant une composition sobre et poignante. Le réalisme de ses images, particulièrement modernes (contrastes de lumière, mouvements de caméra), apporte à Soleil et ombre un aspect quasi documentaire. Le roi Alphonse XIII l'adoubera : « Une Française a fait là un film absolument espagnol et dans l’esprit espagnol ».
Pour compléter ce programme-hommage à Musidora-cinéaste, un fragment de La Fête espagnole de Germaine Dulac, autre réalisatrice française avant-gardiste, sur un scénario de Louis Delluc (pour la première fois au générique d’un film). Germaine Dulac, elle aussi, succombe ici au charme de l’Espagne, terre de fantasmes, celle de Pierre Louÿs, d’Alfred de Musset ou de Washington Irving. La cinéaste délaisse le récit au profit d’images picturales, créant un film où les sensations prédominent. Le journaliste Pierre Scize de conclure : « un film fauve dont le sujet est la lumière, l’air chaud, la poussière ».
La Fête espagnole
France, 1919, fragment de 8 min, noir et blanc, format 1.33
Réalisation : Germaine Dulac
Scénario : Louis Delluc
Photo : Paul Parguel
Décors : Gaston David
Production : Les Films Louis Nalpas
Interprètes : Ève Francis (Soledad), Gaston Modot (Réal), Jean Toulout (Miguélan), Robert Delsol (Juanito), Anna Gay (la vieille Paguien)
Sortie en France : 4 mai 1920
Restauration 4K supervisée par la Cinémathèque française à partir d'un fragment noir et blanc, sans intertitres, de 171m (sur 1671m à l’origine), sauvegardé en 1948.
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Vicenta
France, 1919, fragment de 20 min, noir et blanc, format 1.33
Réalisation & scénario : Musidora
Photo : Welle
Montage : Musidora
Production : Société des Films Musidora
Interprètes : Musidora (Vicenta, la fille de l’auberge), Jean Guitry (Moretino), Guiraud-Rivière (le prince Romano), Lancien, de Goncin
Sortie en France : 14 mai 1920
Restauration 2017 par la Cinémathèque française aux laboratoires Hiventy à partir d'un fragment d’un film considéré comme perdu (bobine 2 sur 5, copie nitrate teintée).
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Soleil et ombre
France, 1922, 43 min, noir et blanc, format 1.33
Réalisation : Musidora, Jacques Lasseyne
Scénario : Musidora, d’après la nouvelle L'Espagnole de Maria Star
Photo : Frank Daniau-Johnston
Montage : Nini Bonnefoy
Production : Société des Films Musidora
Interprètes : Musidora (Juana/l'étrangère), Antonio Cañero (Antonio de Baena), Simone Cynthia (l'amie de Juana), Paul Vermoyal (l'antiquaire), Miguel Sánchez (le secrétaire)
Sortie en France : 6 octobre 1922
Restauration 4K supervisée par la Cinémathèque française et le San Francisco Film Festival aux laboratoires Hiventy et Fontibula.
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