Une censure implicite (le sujet restant judiciairement interdit) l'empêchant toujours de réaliser son film sur l’affaire Seznec, André Cayatte poursuit son travail sur la justice française. Pour ce nouvel opus, il s’attaque à la question de la peine de mort.
Nous sommes tous des assassins est un film courageux. Près de trente ans avant la plaidoirie de Robert Badinter dans l’affaire Patrick Henry, en 1977, et l’abolition de la peine de mort, en 1981, Cayatte nous interroge déjà : la peine capitale, souvent justifiée comme étant exemplaire, est-elle réellement un moyen de lutter contre la délinquance ? Les quatre meurtriers ici dépeints ont tous croisé le chemin de Cayatte-avocat. Ils ont tué par passion, folie, sens de l’honneur. Le personnage de René Le Guen, très justement campé par Mouloudji, n’a jamais eu conscience de ses actes. C’est un jeune adulte, presque encore un adolescent, irresponsable, un gamin sans éducation. Sa violence naturelle a servi la Résistance par accident. Mais que se passe-t-il après la Libération ?
Cayatte, vindicatif, fait surtout ici le procès en creux de l’inégalité sociale et de la responsabilité collective. Fervent plaidoyer contre la peine de mort comme machine à tuer institutionnelle, le film prendra une place importante dans la bataille des idées. Au point que la critique changera son fusil d’épaule : le cinéaste ne sera plus attaqué sur ses idées mais désormais sur sa prétendue "absence" de style cinématographique. Nous sommes tous des assassins obtiendra cependant le Prix spécial du Jury au Festival de Cannes en 1952.
Le condamné qui inspira le personnage de Le Guen sera gracié par le président de la République, Vincent Auriol, et selon le cinéaste, en partie grâce à son film. « Je crois beaucoup à la contagion des idées, et en particulier par le cinéma, et si je n’avais pas fait les films que j’ai faits, je n’aurais pas été satisfait de moi : parce qu’avoir à sa disposition cet extraordinaire moyen d’expression, ce levier prodigieux qu’est le cinéma et raconter des histoires de cocus sous le Second Empire, ce n’est vraiment pas la peine ! Ma conception du cinéma et de la vie me fait penser qu’en tant qu’artiste, j’ai certaines responsabilités. » (in Guy Braucourt, André Cayatte, Seghers)
Nous sommes tous des assassins
France, Italie, 1952, 2h11, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : André Cayatte
Scénario :André Cayatte, Charles Spaak
Dialogues : Charles Spaak
Photo : Jean Bourgoin
Musique : Raymond Legrand
Montage : Paul Cayatte
Décors : Jacques Colombier
Costumes : Ferdinand Junker
Production : André Halley des Fontaines, Union Générale Cinématographique, Jolly Film, Labor Films
Interprètes : Marcel Mouloudji (René Le Guen), Raymond Pellegrin (Gino), Antoine Balpêtré (Dutoit), Julien Verdier (Bauchet), Claude Laydu (Philippe Arnaud), Jacqueline Pierreux (Yvonne Le Guen), Georges Poujouly (Michel Le Guen), Louis Seigner (l'abbé Roussard), Jean-Pierre Grenier (le docteur Detouche), André Reybaz (le père Simon), Yvonne de Bray (la chiffonnière), Henri Vilbert (Arnaud père), Paul Frankeur (Léon), Line Noro (Mme Arnaud), Anouk Ferjac (Agnès), Marcel Pérès (Malingré), Juliette Faber (Mme Sautier), Sylvie (Laetitia), Alexandre Rignault (le gendarme)
Sortie en France : 21 mai 1952
Avec le soutien de BNP Paribas
Restauration Gaumont au laboratoire Eclair, scan 2K, restauration 2K
Distribution : Gaumont
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