« Toute chose a son temps, on ne peut pas s’amuser toujours » écrit Guy de Maupassant, l’un des auteurs favoris d’Ophuls. Avec cette trilogie sur le drame éternel du plaisir, le cinéaste livre une œuvre extraordinairement accomplie, et tenue par de nombreux spécialistes comme la plus belle qu'il ait tournée. Le Plaisir, inspiré d’histoires contées par l’ombre de Maupassant, incarné par Jean Servais, est le plus parfait aboutissement des recherches d’Ophuls.
« La plus belle scène de toute l’œuvre est sans doute celle où Gabin, après le départ des filles de la maison Tellier, s’en retourne mélancoliquement chez lui, dans un mouvement d’une lenteur inhabituelle et qui paraît vouloir prolonger à l’infini l’éphémère. » (Noël Herpe, 1895 n° 34-35, octobre 2001).Tout Ophuls est là. On retrouve la plénitude déjà ressentie dans Lettre d’une inconnue. Le Masque, La Maison Tellier et Le Modèle sont les trois volets de la même question : par-delà ce visage que l’homme interroge dans le miroir et par-delà le miroir lui-même, qu’y a-t-il ? De l’avis de Jean-Luc Godard, « chaque volet, même séparé des autres, resterait beau. Il n’empêche qu’il vaut mieux le voir en entier. Que serait le plaisir sans l’amour et la mort ? » La leçon prolonge celle de La Ronde : à tout âge, le plaisir est facile, mais contrecarre souvent le bonheur. La légendaire conclusion : « Le bonheur n’est pas gai », ne dit rien de la tourbillonnante folie du film. Pour Barthélemy Amengual, « la caméra d’Ophuls ne craint pas les vertiges » (Du réalisme au cinéma, Nathan).
Ophuls, l’amoureux des femmes, fait tourner, après La Ronde et avant Madame de…, Danielle Darrieux, qui incarne l’une des pensionnaires de la maison Tellier (et qui tape dans l’œil de l’impayable Gabin – car le film, dans le deuxième sketch, est souvent drolatique). Le cinéaste offre une mise en scène d’une beauté renversante, faisant glisser sa caméra, comme par magie, en travellings d'une grâce étourdissante. Une élégance aérienne alliée à la profondeur des sentiments et, simplement, à la pudeur.
Le Plaisir
France, 1952, 1h33, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Max Ophuls
Scénario : Jacques Natanson, Max Ophuls d’après les contes Le Masque, La Maison Tellier et Le Modèle de Guy de Maupassant
Dialogues : Jacques Natanson
Photo : Christian Matras, Philippe Agostini
Musique : Joe Hajos
Montage : Léonide Azar
Décors : Jean d’Eaubonne
Costumes : Georges Annenkov
Production : Édouard Harispuru, Stera Films et CCFC
Interprètes :
• Le Masque : Claude Dauphin (le docteur), Gaby Morlay (la femme du "masque"), Jean Galland ("le masque"), Gaby Bruyère (la danseuse)
• La Maison Tellier : Madeleine Renaud (Madame), Ginette Leclerc (Carmen), Mila Parély (Raphaele), Danielle Darrieux (Rosa), Jean Gabin (Rivet), Pierre Brasseur (le commis voyageur), Paulette Dubost (Fernande), Mathilde Casadesus (Madame Louise dite « Cocotte »), Héléna Manson (Marie Rivet)
• Le Modèle : Daniel Gélin (Jean, le peintre), Simone Simon (Joséphine, le modèle), Jean Servais (l’ami de Jean)
Sortie en France : 29 février 1952
Restauration 2K par Gaumont au laboratoire Eclair
Distribution : Gaumont
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