« Si les gens de cinéma prennent Cayatte pour un avocat, les gens de robe le prennent pour un cinéaste. André Cayatte serait-il un traître ? » (Arts, 25 mai 1955). François Truffaut a la dent dure, Cayatte en fait les frais. Le critique (bientôt cinéaste) n’est pas le seul à blâmer l’auteur du Dossier noir. Présenté à Cannes, le film bénéficia d’un accueil glacial. On crie à la censure. Un spectateur conclut cependant : « Un film qui fait crier "censure" est de toute façon un bon film ». Alors ?
Avec Justice est faite, Cayatte s’attelait au mécanisme du verdict. Dans Nous sommes tous des assassins, à l’application des peines. La troisième phase de l’action judiciaire, l’instruction, aurait dû être traitée avec l’affaire Seznec… C’est Le Dossier noir qui conclura le cycle.
Film pamphlet, il s’attaque aux institutions, aux moyens minables accordés à la justice et à ses rapports avec la police. Cayatte instruit à charge : il dénonce la mainmise du pouvoir économique, les abus de pouvoir des policiers (qui réussissent à faire avouer à différents coupables un meurtre qui n'est pas prouvé). Cayatte persiste dans ce qui a fait son style, sa réputation.
Mais il s’agit aussi du journal d’un juge de province, jeune, inexpérimenté, mais persévérant. On l’appelle le « petit juge », et on aura sa peau. « Au départ, je voulais avant tout renseigner le public sur ce personnage un peu mystérieux qu’est le juge d’instruction. Personnage en principe tout-puissant, dont le rôle capital est de faire surgir la lumière au milieu d’un fatras de mensonges, de contradictions, de témoignages erronés ou absurdes. Mais à mesure que le scénario se développait, je me suis aperçu que l’homme que j’avais choisi pour symboliser cet aspect de la magistrature m’intéressait plus que sa fonction et que c’était son drame personnel que j’étais en train de raconter. […] De telle sorte que LeDossier noir, qui devait illustrer une thèse générale, devint peu à peu le récit d’un cas particulier. » (André Cayatte, Le Monde, 11 mai 1955)
Le Dossier noir
France, Italie, 1955, 1h55, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : André Cayatte
Scénario :André Cayatte, Charles Spaak
Dialogues : Charles Spaak
Photo : Jean Bourgoin
Musique : Louiguy
Montage : Paul Cayatte
Décors : Jacques Colombier
Costumes : Rosine Delamare
Production : Spéva Films, Rizzoli Film
Interprètes : Antoine Balpêtré (Dutoit), Bernard Blier (le commissaire Noblet), Danièle Delorme (Yvonne Dutoit), Henri Crémieux (le procureur), Paul Frankeur (Boussard), Jean-Marc Bory (Jacques Arnaud), Léa Padovani (Françoise Le Guen), Nelly Borgeaud (Danièle), Noël Roquevert (le commissaire Franconi), André Valmy (l’inspecteur Carlier), Jacques Duby (Flavier), Daniel Cauchy (Jo), Jean-Pierre Grenier (Gilbert Le Guen), Christian Fourcade (Alain)
Présentation au Festival de Cannes : 10 mai 1955
Sortie en France : 18 mai 1955
Restauration 2K spécialement pour le festival par Gaumont au laboratoire Eclair.
Distribution : Gaumont
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