« La femme est de feu, l’homme est d’étoupe, et le Diable souffle. » (proverbe espagnol). Edmond T. Gréville écrit l’histoire du Diable souffle durant l’Occupation alors qu’il vit caché à Cagnes-sur-mer, après avoir tourné en 1941 Une femme dans la nuit (sorti en 1943). Un jour de fort mistral, il se remémore ce proverbe espagnol et écrit une histoire dont « le personnage principal est invisible : le vent. »
Dans cette œuvre originale d’un cinéaste toujours en marge du système, la nature sauvage est bien un personnage à part entière. Au milieu du vent, des bourrasques, de l’incessant vacarme de la Bidassoa en crue séparant les îliens du reste du monde, les êtres, comme les arbres, sont balayés par la tempête, pris au piège de passions dévorantes. Ce huis clos baigne dans une atmosphère lourde et angoissante, à l’érotisme exacerbé, typique de l'univers du réalisateur. Car Gréville, cet « érotomane distingué » comme il aimait à se définir (il affirmait que le T de son patronyme était l'abréviation de "Tendre avec les dames"), filme comme à son habitude son personnage féminin avec passion. On critiqua le choix d’Héléna Bossis qui n’avait pas un physique de starlette, mais dont le « rayonnement sensuel » fut souligné par le cinéaste dans ses mémoires Trente-cinq ans dans la jungle du cinéma (Actes Sud/Institut Lumière). La photographie du maître-opérateur Henri Alekan est exceptionnelle, décuplant la force des éléments, faisant du vent, de la pluie et de la boue de véritables interprètes.
Dans ces mêmes mémoires, Gréville écrivait : « J’ai toujours préféré les sujets "en vase clos" où des personnages coupés du monde s’épient et se déchirent. Mes goûts vont en somme au contraire du film d’action, ou tout au moins à l’action purement intérieure, de préférence dans un seul décor, avec des gens dressés les uns contre les autres par leurs sentiments ou leurs vices. C’est ce qui m’avait plu dans Le Train des suicidés, dans Remous, dans Vies secrètes, dans Le Diable souffle. C’est ce qui m’a plu dans L’Ile du bout du monde, Les Menteurs, L’Accident. C’est ce qui me plaît encore. Décortiquer un drame passionnel, en montrer les prémices, la cristallisation, voilà mon régal. »
Le Diable souffle
France, 1947, 1h32, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Edmond T. Gréville
Scénario : Edmond T. Gréville, Max Joly, José Josipovici, Norbert Carbonnaux
Photo : Henri Alekan
Musique : Jean Wiener
Montage : Georges Arnstam
Décors : Jean Douarinou
Production : B.C.M. - Bureau Cinématographique et Musical, La France en marche
Interprètes : Charles Vanel (Laurent), Jean Chevrier (Diego), Héléna Bossis (Louvaine), Margo Lion (Pepita), Henri Maïk (Pascal)
Sortie en France : 23 septembre 1947
Exclusivité Institut Lumière
Restauration 4k avec l’aide du CNC à partir des éléments originaux image et son au Laboratoire Hiventy
Ayant-droit : Studiocanal
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