« On passe une soirée à écouter des disques et ça finit par un film. Je ne peux pas dire que la musique baroque française m’ait inspiré La Règle du jeu, mais elle a contribué à me donner l’envie de filmer des personnages remuant suivant l’esprit de cette musique. » Voilà comment Renoir explique, dans Ma vie et mes films (Flammarion), la genèse de son film le plus vu et le plus aimé, « la plus large et la plus lucide expression d’une époque condamnée », selon la formule d’André Bazin, un film dans lequel on observe « non seulement l’expression la plus achevée de l’école réaliste française d’avant-guerre, dont Renoir est le plus grand représentant, mais en même temps et plus encore la préfiguration des éléments les plus originaux de l’évolution cinématographique des quinze années suivantes ».
Pourtant, ce film sur la décomposition de la bourgeoisie de la fin des années 30 n’eut aucun succès public à sa sortie : « Ma stupéfaction fut totale, lorsque ce film, que je voulais aimable, s’avéra agir à rebrousse-poil sur la majorité des spectateurs. […] Malgré le caractère élogieux de certaines critiques, le public le considérait comme une insulte personnelle. […] À chaque séance, je trouvais moyen de faire l’unité du public dans sa réprobation. J’essayais de sauver mon film en le raccourcissant. Je coupai d’abord les scènes dans lesquelles je jouais un trop grand rôle, comme si j’avais eu honte, après mon échec, de me présenter à l’écran. En vain, le film fut retiré de la circulation, étant jugé démoralisant. »
« Si la caricature sociale marquée au cynisme était familière au public de 1939, la tournure de confession intime que prend par moments La Règle du jeu l’était beaucoup moins. Le mélange des tons se révèle souvent exercice périlleux, le spectateur, celui d’aujourd’hui tout aussi bien que ses aïeux, paraissant apprécier modérément qu’entre rire et s’émouvoir, il ne lui soit pas demandé de choisir, qu’au contraire l’une et l’autre réactions puissent s’associer. » (Pascal Mérigeau, Jean Renoir, Flammarion). Dans les années 50, le film sera revu à la hausse et chemine depuis sur un chemin de gloire.
La Règle du jeu
France, 1939, 1h46, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Jean Renoir
Assistants réalisateur : André Zwobada, Henri Cartier-Bresson
Scénario : Jean Renoir assisté de Carl Koch
Photo : Jean-Paul Alphen, Jean Bachelet, Jacques Lemare, Alain Renoir
Musique : Roger Désormière
Montage : Marthe Huguet, Marguerite Houillé- Renoir
Costumes : Coco Chanel
Décors : Max Douy, Eugène Lourié
Production : Jean Renoir, Nouvelle Édition Française (NEF)
Interprètes : Marcel Dalio (Robert de La Chesnaye), Nora Gregor (Christine de La Chesnaye), Jean Renoir (Octave), Roland Toutain (André Jurieux), Mila Parély (Geneviève de Maras), Paulette Dubost (Lisette Schumacher), Gaston Modot (Schumacher), Julien Carette (Marceau), Odette Talazac (Mme Charlotte de La Plante)
Sortie en France : 8 juillet 1939
Distribution : Théâtre du Temple
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