Grande poétesse, Forough Farrokhzad rencontre l’écrivain et cinéaste Ebrahim Golestan à la fin des années 50 et travaille comme monteuse pour sa société Golestan Film. À seulement 28 ans, elle y réalise La maison est noire, son unique film, et se charge seule de la mise en scène, du scénario et du montage. Le film est le premier documentaire iranien filmé par une femme.
Documentaire de commande pour une association caritative luttant contre la lèpre, La maison est noire est tourné dans la léproserie de Baba Baghi, près de Tabriz, en Iran. Unissant fonction documentaire et langage poétique, Forough Farrokhzad filme avec dignité et sans le moindre sentimentalisme le quotidien des lépreux. « Un humanisme radical » pour Jonathan Rosenbaum (Cinéma 06, automne 2003) qui considère le film comme le point de départ de la Nouvelle Vague iranienne.
« Ce monde est plein de laideur. Il y en aurait encore d’avantage si l’homme en détournait les yeux ». Ainsi commence le film, sur la voix d’Ebrahim Golestan, dans l’obscurité totale : c’est dans l’acte de fermer les yeux que se trouve la véritable laideur. « La laideur n’a pas de signification réelle. La léproserie et les lépreux ne sont pas laids. Si vous regardez un homme laid en tant qu’homme, vous allez le trouver beau. ». La réalisatrice nous dit en filigrane que ne pas détourner le regard et affronter celui des malades, c’est les rendre beau.
À la mort prématurée de l’artiste, à 33 ans, le réalisateur Chris Marker, évoquera avec justesse La maison est noire : « Pour son premier film, elle était allée droit au plus irregardable : la lèpre, les lépreux. Et s’il fallait un regard de femme, s’il faut toujours un regard de femme pour établir la juste distance avec la souffrance et la laideur, sans complaisance et sans apitoiement, son regard à elle transformait encore son sujet, et en contournant l’abominable piège du symbole, parvenait à lier, par surcroît de vérité, cette lèpre à toutes les lèpres du monde. […] Pardon pour les louanges, Forough. Délivrée des méprises, c’est à voir. Mais pour ce qui est de rester inconnue, je ne crois pas que tu y arriveras. ». (Cinéma 67 n°117, juin 1967).
La maison est noire (Khaneh siah ast)
Iran, 1963, 20 min, noir et blanc, format 1.37
Réalisation & scénario : Forough Farrokhzad
Photo : Soleiman Minasian
Montage : Forough Farrokhzad
Production : Ebrahim Golestan, Golestan Film
Interprètes : Forough Farrokhzad (narratrice), Ebrahim Golestan (narrateur), Hossein Mansouri (lui-même)
Présentation au Festival de Oberhausen : 1964
Exclusivité Institut Lumière
Restauration par Ecran Noir Productions et la Fondazione Cineteca di Bologna au laboratoire L’Immagine Ritrovata en 2019, à partir de pellicules originales 35mm conservées par Ebrahim Golestan, les Archives nationales cinématographiques d’Iran et la Cinémathèque française, grâce au soutien de Madame Mahrokh Eshaghian et de Genoma Films.
Restauration proposée par Ecran Noir Productions
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