Fin du cycle judiciaire : André Cayatte, en plein renouvellement, opère un tournant important. Pour Œil pour œil, il engage des comédiens célèbres (Curd Jürgens et Folco Lulli), adapte un roman avec son auteur Vahé Katcha (Duvivier et Buñuel s’y seraient également intéressés), filme pour la première fois en couleurs et surtout délaisse ce qui l’a caractérisé ces dernières années, les films à thèse.
Avec Œil pour œil, Cayatte signe un drame de la vengeance, une revanche à l’orientale, comme le souligne la publicité de l’époque. Bortak, dévasté par la mort de son épouse, ourdit une vengeance insidieuse, instaure un climat de peur et d’angoisse autour du docteur Walter, qu’il juge coupable. L'œuvre, plus romanesque que les précédentes, centrée sur la loi du talion, dissèque le cheminement des remords, la violence rentrée des sentiments. Cayatte signe un film taiseux sur la responsabilité individuelle.
Une démarche soulignée par la critique, mais, encore une fois, le cinéaste est malmené. On lui reproche d'être "trop". André Bazin hésite : « Je vois bien certes en quoi ce scénario est l’exact contrepied des films à thèse d’André Cayatte. Dirai-je qu’il l’est trop exactement. Et que l’on sent que son auteur a voulu faire cette fois-ci l’anti-film à thèse. Ses personnages sont libres un peu à la manière de ceux de Sartre, c’est-à-dire déterminés par la liberté. En chaque circonstance, il ne dépendrait que de la volonté et de la lucidité du médecin d’échapper au piège qu’on lui tend, mais, en chaque circonstance, il choisit de mettre le pied sur le ressort parce que sa mauvaise conscience le détermine, ce que prévoit parfaitement chaque fois son bourreau. En sorte que je retrouve […] la main d’André Cayatte dans la mécanique de ces personnages. Cette remarque formulée, j’ajoute immédiatement que c’est alors l’intelligence de ce mécanisme, où l’indétermination même est prévue, qui, justement, me plaît. Il y a quelque chose de cartésien dans la façon de travailler d’André Cayatte, qui en fait sans doute la limite mais aussi la force entêtée et claire. Je suis touché aussi par la sorte de générosité et de courage qui préside à ses entreprises et à celle-ci notamment. » (André Bazin, France Observateur, 19 septembre 1957).
Œil pour œil
France, Italie, 1957, 1h54, couleurs (Technicolor)
Réalisation : André Cayatte
Scénario :Vahé Katcha, d’après son roman éponyme
Dialogues : Pierre Bost
Photo : Christian Matras
Musique : Louiguy
Montage : Paul Cayatte
Décors : Jacques Colombier
Production : André Halley des Fontaines, Union Générale Cinématographique, Galatea Film, Jolly Film
Interprètes : Curd Jürgens (le docteur Walter), Folco Lulli (Bortak), Lea Padovani (Lola), Paul Frankeur (l'opéré), Pascale Audret (la belle-sœur de Bortak), Dario Moreno (le cafetier), Robert Porte (le docteur Matik, l’assistant), Héléna Manson (Mme Laurier, l’infirmière), Marlène Chicheportiche (la fille de Bortak)
Sortie en France : 13 septembre 1957
Distribution : Gaumont
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