Homme de théâtre dès l'âge de 16 ans, homme de radio (sa fameuse adaptation de La Guerre des mondes de H.G. Wells qui épouvanta ses auditeurs), Orson Welles, à 25 ans, et après seulement deux courts métrages, se voit offrir par la RKO un contrat en or : la maîtrise totale d'un projet, du choix du scénario et des acteurs jusqu'au montage final, chose impensable à Hollywood. En témoigne ses premiers mots lorsqu’il entre dans les studios : « Voilà bien le plus beau train électrique qu’un garçon puisse rêver ».
Citizen Kane est selon ses termes l’« histoire d’un échec », à la fois une critique de la vanité des richesses matérielles et une dénonciation de la presse. Le personnage de Charles Foster Kane, largement inspiré du magnat des media William Randolph Hearst, permet de montrer le pouvoir démesuré qu’un grand patron américain peut exercer au sein d’une démocratie.
L’énigmatique mot énoncé à son dernier instant, « Rosebud », est le fil d’Ariane de ce héros moderne déchu, un homme qui a tout eu mais à qui il a manqué l’essentiel.
Construit à l’image d’un kaléidoscope, Citizen Kane multiplie les points de vue, les flashbacks, ne respecte pas de chronologie et révèle plusieurs tranches de vie par le biais d’un journaliste qui n’a jamais connu Kane et interroge son entourage. Une façon de remettre en cause l’objectivité : « Le public est seul juge. Tout dépend de celui qui en parle. Le but du film réside d’ailleurs plus dans la représentation du problème que dans sa solution. » (Orson Welles)
Welles se lance dans l’expérience filmique en renouvelant le langage du cinéma. Tout à la fois coscénariste, metteur en scène, acteur et producteur, il crée des lentilles spéciales, a recours aux effets spéciaux, filme les plafonds qui donnent une impression d’écrasement. Tout fait sens dans sa richesse visuelle ; les scènes filmées au ras du sol, comme le souligne Truffaut, placent les spectateurs comme s'ils étaient assis dans les premiers rangs d’un théâtre.
Élu « meilleur film de tous les temps » par l’American Film Institute, Oscar du meilleur scénario original en 1942, objet de fascination pour de nombreux intellectuels, historiens et critiques, Citizen Kane est l'expression aboutie du génie de son réalisateur, qui ne retrouvera jamais plus des conditions comparables. « Je crois à la valeur du cinéma comme moyen de communication poétique. (…) Il faut donc essayer d’invoquer, de recourir à l’incantation, pour faire apparaître des choses qui ne sont pas vraiment là… Et surtout le projet personnel de l’auteur doit être d’une seule pièce. » (Orson Welles in Orson Welles, Joseph McBride, Rivages)
Citizen Kane
États-Unis, 1941, 1h59, noir et blanc, format 1.37
Réalisation : Orson Welles
Scénario : Orson Welles, Herman J. Mankiewicz
Photo : Gregg Toland
Musique : Bernard Herrmann
Montage : Robert Wise
Décors : Darrell Silvera
Costumes : Edward Stevenson
Production : Orson Welles, RKO Radio Pictures, Mercury Productions
Interprètes : Orson Welles (Charles Foster Kane), Joseph Cotten (Jedediah Leland, le reporter), Agnes Moorehead (Mrs Mary Kane), Dorothy Comingore (Susan Alexander), Ruth Warrick (Emily Kane), Ray Collins (Gettys), Erskine Sanford (Herbert Carter), Everett Sloane (Bernstein), William Alland (Jerry Thompson), Paul Stewart (Raymond), George Coulouris (Thatcher), Gus Schilling (le maître d'hôtel), Philip Van Zandt (Mr. Rawlston), Fortunio Bonanova (Matiste), Georgia Backus (Miss Anderson), Harry Shannon (le père de Kane)
Sortie aux Etats-Unis : 1er mai 1941
Sortie en France : 3 juillet 1946
Exclusivité Institut Lumière
Restauration 2K par Warner supervisée par Robert Gitt à partir du négatif original préservé en 2001 par UCLA Film & Television Archive et en collaboration avec MGM Studios. Avec le soutien de Robert B. Sturm et The Film Foundation – Martin Scorsese.
Ressortie en salles prochainement.
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