Adapter Heart of Darkness de Joseph Conrad était le projet d’Orson Welles à son arrivée à Hollywood. Mais il ne le réalisera pas. C’est un an seulement après la chute de Saïgon que Francis Ford Coppola s’y attelle et démarre la production de ce qui deviendra un monument : le cinéaste transpose le roman du Congo de la fin du XIXe siècle au Viêt-nam des années 70. Le cinéaste est au sommet, fort du succès de ses deux épisodes du Parrain (1972 et 1974). Dans le Nouvel Hollywood, il fait partie des réalisateurs qui font la loi. Aussi, un tel projet pharaonique ne lui fait pas peur.
Mais rien ne se passera comme prévu. Le tournage s’avère être un gigantesque bourbier. Les catastrophes s’accumulent : maladies, conditions climatiques effroyables, typhon détruisant les décors, Marlon Brando qui ne connaît pas son texte, Harvey Keitel remplacé au bout de quelques jours par Martin Sheen qui fait un infarctus… L’expérience prend un tour imprévu lorsque les hélicoptères philippins loués par Coppola quittent de temps en temps le tournage pour aller lancer des roquettes sur les rebelles du sud du pays. Entre attente interminable et dépression latente, une partie de l’équipe plonge dans les paradis artificiels des années 70. C’est donc quatorze mois dans la jungle (et trente millions de dollars au lieu de dix) qui seront nécessaires pour venir à bout du tournage. « Apocalypse Now n’était pas un film sur le Viêt-nam ; c’était le Viêt-nam. Comme l’armée américaine, nous étions arrogants, nous avions trop de monde, trop de matériel, trop d’argent et, peu à peu, nous sommes devenus fous. » (Francis Ford Coppola). Le tournage terminé, l’aventure ne touchera pas encore au but : six cents kilomètres de pellicule, deux ans de montage, et une fin quasi introuvable pour Coppola. Mais lorsque le film sort en 1979, l’effet est retentissant.
Film sensoriel par essence, Apocalypse Now est une expérience très personnelle pour le spectateur. Des images comme autant de sensations : les pales des ventilateurs dans la moiteur de Saïgon, The Doors, la charge des hélicos sur fond de Chevauchée des Walkyries, l’arrivée dans le royaume de Kurtz, les visages fantomatiques peints en blanc, l’odeur du napalm… Le feu. Le sang. La folie des hommes. Si Apocalypse Now est une réflexion sur l’homme et son évolution, sur la guerre et son bourbier, c’est avant tout le voyage mental du capitaine Willard, une quête initiatique, avec ses étapes et ses rites de passage.
« Coppola se fait le spéléologue des gouffres humains, nous conviant à une odyssée dont le dessein est avant tout poétique, peut-être même onirique. Une symphonie de l’horreur, sans doute plus proche de Nosferatu et de Macbeth que de The Deerhunter et Platoon, ces chroniques hyperréalistes. Un "Viêt-nam de l’esprit" qui questionne et redéfinit la notion même d’humanité. » (Michael Henry, Positif n°483, mai 2001)
En 2000, Francis Ford Coppola remonte le film avec Walter Murch, repensant complètement l’histoire : près de cinquante minutes supplémentaires et, enfin visible, la scène de la plantation, où des colons français sont restés retranchés dans la jungle à la fin de la guerre d’Indochine. L’actrice Aurore Clément apparaît dans le film, vingt et un ans après le tournage.
Aujourd’hui, quarante ans après sa sortie, le cinéaste livre son Final Cut, version remaniée et restaurée en 4K. Trois heures pour cette relecture aboutie qui révèle à nouveau, comme au premier jour, sa splendeur visuelle et sonore.
Apocalypse Now Final Cut
États-Unis, 1979-2019, 3h02, couleurs, format 2.35
Réalisation : Francis Ford Coppola
Scénario : John Milius, Francis Ford Coppola, Michael Herr, d’après le roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad
Photo : Vittorio Storaro
Musique : Carmine Coppola, Francis Ford Coppola ; The Doors, The Rolling Stones, Robert Duvall…
Montage : Walter Murch, Gerald B. Greenberg, Lisa Fruchtman, Richard Marks
Décors : Angelo Graham, Dean Tavoularis
Costumes : Charles E. James
Production : Francis Ford Coppola, Gray Frederickson, Fred Roos, Tom Sternberg, Zoetrope Studios
Interprètes : Marlon Brando (le colonel Kurtz), Robert Duvall (le lieutenant-colonel Kilgore), Martin Sheen (le capitaine Willard), Frederic Forrest (Jay 'Chef' Hicks), Albert Hall (Chief Phillips), Sam Bottoms (Lance), Larry Fishburne (Tyrone 'Clean' Miller), Dennis Hopper (le photographe), G.D. Spradlin (le général), Harrison Ford (le colonel Lucas), Jerry Ziesmer (le civil), Scott Glenn (Colby), Bo Byers (le premier sergent MP), James Keane (le fusil-mitrailleur de Kilgore), Kerry Rossall (Mike de San Diego), et non crédité Francis Ford Coppola (le réalisateur TV), Aurore Clément (Roxanne Sarrault), Christian Marquand (Hubert de Marais), Roman Coppola (Francis de Marais), Gian-Carlo Coppola (Gilles de Marais)
Présentation d’Apocalypse Now au Festival de Cannes : 10 mai 1979
Sortie aux États-Unis : 15 août 1979
Sortie en France : 26 septembre 1979
Présentation d’Apocalypse Now Final Cut au Festival de Tribeca : 28 avril 2019
Sortie aux États-Unis : 15 aout 2019
Sortie en France : 21 et 28 août 2019
A sa sortie le film était classé tous publics avec avertissement
Restauration 4K de 2019 par American Zoetrope, la société de F.F. Coppola, dans son laboratoire et au laboratoire Roundabout Entertainment, à partir des négatifs originaux 35mm.
Distribution : Pathé
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