La Roue

L'oeuvre fleuve signée Abel Gance

 


Posté le 12.10.2019 à 12h00



Sisif, un cheminot et père célibataire d'un petit garçon, recueille une fillette qu'il vient de sauver d'une catastrophe ferroviaire. Des années plus tard, alors que la fillette est devenue une jolie jeune femme prénommée Norma, son père adoptif, qui a toujours caché à l'enfant qu'elle est adoptée, tombe amoureux d'elle. Elevée au sein du milieu ferroviaire modeste et très vivant, Norma ne comprend pas pourquoi son père est tout à coup distant, et pire, veut la marier à un homme riche. Croyant aider sa famille, la jeune femme se résoud à épouser un être qu'elle n'aime pas. Celui qu'elle aime, c'est son frère adoptif, qui l'aime en retour. Voici donc le postulat de départ complètement fou de La Roue, oeuvre fleuve signée Abel Gance (1923).

Voici une histoire d'amour éperdu, impossible, injugeable, développée au coeur d'un monde plein, où tout agit : les hommes bien sûr, mais aussi les bêtes qui consolent, les plantes qui vibrent, les objets qui témoignent. Plus qu'une oeuvre sociale sur la condition, par ailleurs montrée, de la vie ouvrière, ou du train de vie de la grande bourgeoisie, La Roue est avant tout un film affranchi, plein d'une élévation quasi spirituelle. Avec une puissance assez spectaculaire, qui les hissent jusqu'en haut du Mont-Blanc, les héros avancent sans jamais s'arrêter pour accomplir leur destinée.

 

Actuzen Laroue

 

Car La Roue est évidemment aussi, la roue du destin, et rien ni personne ne sera épargné dans ce que Gance qualifiait de catastrophe des sentiments. Visuellement stupéfiant avec ses scènes de nuit au noir profond, ses surimpressions fantastiques, ses locomotives qui parlent, ses éclats passionnés jusqu'au viol, La Roue montre combien il est difficile d'être un être “humain” avant que d'être un homme, ou, une femme, au sens formaté que la société impose. C'est enfin un grand film sur le courage qu'il faut pour continuer à vivre quand on attend plus rien, et que se plaindre paraît dérisoire.

 

Virginie Apiou

 

Catégories : Lecture Zen