Posté le 16.10.2019 à 18h00
1969, le cinéaste tchèque Juraj Herz réalise une œuvre hallucinatoire et met en lumière, dans un noir et blanc de javel, un personnage médiocre jusqu’à la folie : Karel Kopfrkingl.
L’homme n’est pas très grand, pas très beau avec sa coiffure plaquée et ses rides régulières sur le front. Bien nourri, il affiche un visage plein, une silhouette légèrement épaisse et le sourire permanent de celui qui est en perpétuelle conversation avec lui-même. Ce héros qui a une théorie sur tout, et surtout sur la mort et les cadavres, entend initier la Tchécoslovaquie de 1930 aux joies du crématorium. En choisissant de suivre un personnage en permanence auto-satisfait, le cinéaste Juraj Herz explore comment un petit homme moyen est le parfait et tranquille spécimen prêt pour l’horreur. Par des détails inhabituels, - il peigne les cadavres dont il s’occupe avec son propre peigne-, le réalisateur dresse le portrait d’un être de manies qui croit en son destin. Il faudrait juste une étincelle pour le déclencher. Alors, quand une vieille connaissance vient lui parler des théories nazies qui peu à peu contaminent l’Europe, Kopfrkingl se persuade avoir une goutte de sang allemand dans les veines. Tout se télescope, les images des morts, celles du monde, humain, animal avec ses têtes de chat, et ses mouches variées épinglées. Herz, par un montage syncopé, cadré parfois en si gros plan qu’on ne voit plus que le front des personnages, montre avec une force visuelle impressionnante comment la banalité peut entrer dans la folie.
Virginie Apiou