Interview avec

Mitra Farahani

 


Posté le 15.10.2019 à 11h45


 

Peintre, réalisatrice, scénariste et productrice Mitra Farahani rend hommage au couple de cinéastes iraniens Forough Farrokhzad/ Ebrahim Golestan. Deux artistes, deux pépites qu’elle présente ce mardi à L’Institut Lumière dans la collection « Trésors et Curiosités ».

 Actuzen Mitrafaharani2Copyright Institut Lumière / Sandrine Thesillat / Jean-Luc Mège Photographie

 

Vous venez présenter La Maison noire de la poète et cinéaste Forough Farrokhzad. Comment décririez-vous son style en tant que cinéaste ?

Forough Farrokhzad est l’une des plus grandes poètes iraniennes contemporaines. Elle a commencé à travailler dans les studios Golestan dès la fin des années 1950 comme assistante et elle y a appris le rapprochement des images. La Maison est noire est un film emblématique, majeur, du cinéma iranien et qui est souvent présenté comme l’unique incursion de Forough Farrokhzad dans le cinéma, comme réalisatrice. En fait, il existe un court-métrage expérimental de Forough Farrokhzad, intitulé Chaleur, qui précède La Maison est noire et qui est totalement inédit, j’espère que nous le verrons un jour !

Forough Farrokhzad a réussi à créer un style poétique original au cinéma. Toute la structure La Maison est noire permet d’inscrire la poésie des mots de Forough Farrokhzad dans le silence des images filmées, et ce geste crée une poésie proprement cinématographique. J’ai le sentiment que Forough Farrokhzad connaît l’essence de l’homme et quel que soit le medium qu’elle travaille, elle fait un poème ! Quelle meilleure réponse à la question de Rilke « à quoi bon être poète dans un temps de détresse ? » que l’oeuvre de Forough Farrokhzad ?

 

 

Le film "Les collines de Marlick" signé par le cinéaste et écrivain Ebrahim Golestan sera également présenté au public. Pourquoi avoir choisi ce film en particulier ?

 

Les collines de Marlick est un grand morceau littéraire qui réveille et révèle les images. La littérature est inscrite dans le cinéma iranien. C’est un cinéma qui s’est construit dans la continuité d’une culture littéraire et poétique et Les collines de Marlick en est un exemple limpide.

 

Forough Farrokhzad est la première femme iranienne à réaliser un documentaire. Ebrahim Golestan a fondé la première société de production indépendante en Iran. Quel regard portez-vous sur ce couple d'artistes qui a marqué la culture iranienne ?

 

Forough Farrokhzad est déjà une poète établie quand elle commence à travailler avec Ebrahim Golestan, mais son travail prend une dimension sans mesure avec la période précédente à partir de cette rencontre. C’est comme une symbiose fulgurante d’intuitions et de formes qui circulent entre Ebrahim Golestan et Forough Farrokhzad. Malheureusement, Forough Farrokhzad disparaît très vite des suites d’un accident de voiture en 1967. Le fruit du temps court de leur jonction est une effervescence intellectuelle et de création ; il est impossible de penser au travail de l’un sans penser au travail de l’autre. Et c’est à ce travail conjoint, ces films laissés en héritage, auxquels nous essayons de redonner vie aujourd’hui, pour leur rendre leur place dans le patrimoine cinématographique. 

 

Vous qui êtes peintre, réalisatrice, productrice, scénariste. Comment leurs œuvres ont influencé votre travail ?

 

Les collines de Marlick se concluent sur cette phrase : « Puisse l’oeil voir ! ». Ce souhait traduit la grande préoccupation de Ebrahim Golestan pour l’Homme. Elle au centre de son œuvre et même de son être. C’est cette préoccupation que Forough Farrokhzad a farouchement bien traduite dans son travail cinématographique. Et c’est un geste qui a encore un écho sur mon propre travail.  

 

Sur quels projets cinématographiques travaillez-vous actuellement ?

 

Je travaille justement sur un film qui traduit tout mon désir d’être atteinte par cette contagion et d’être touchée par le souhait exprimé par Ebrahim Golestan. Le film que je construis est une correspondance entre Ebrahim Golestan et Jean-Luc Godard.

 

 

Propos recueillis par Laura Lépine

 

Catégories : Lecture Zen