Posté le 16.10.2019 à 12h00
Nous sommes tous des assasins d'André Cayatte
« En revoyant les films d’André Cayatte, je me suis rendu compte que ses qualités sont exactement à l’inverse des défauts qui lui sont reprochés. Il a un grand intérêt pour le monde qui l’entoure, il trouve une manière personnelle de parler de tous les sujets dont on disait toujours que le cinéma français les ignorait. Et il n’y renonce jamais. La manière dont il s’attaque à la peine de mort, dans Nous sommes tous des assassins (1952), qui est sans doute son plus grand film, la manière dont il y filme les condamnés à mort, je ne vois pas d’équivalent dans le cinéma de son époque. Il faudra attendre plusieurs années pour voir en Grande-Bretagne Peine capitale, de Jack Lee Thompson, ou aux Etats-Unis Je veux vivre ! de Robert Wise. La vie quotidienne de ceux qui attendent la grâce ou la guillotine, Cayatte la filme sans jamais rien appuyer. Il n’y a pas un effet, tout est en plan large. Il montre les gardiens qui viennent au petit jour chercher celui qu’on va exécuter : ils ont ôté leurs chaussures pour faire le moins de bruit possible, retarder l’annonce fatidique. Mais il n’y a pas un gros plan sur un lacet qu’on dénoue. Et il y a dans ce film une variété de lieux, d’endroits, de décors, souvent filmés en deux plans : une cabane dans la zone, une rue d’une sorte de bidonville, un café désert. Le cinéma, c’est aussi ça : installer un décor, efficacement, sans le survendre. Une courte scène me frappe dans Nous sommes tous des assassins. L’avocat emmène Mouloudji, le condamné, à la recherche de son dossier militaire : le gradé qui l’accueille est inflexible, il n’y a rien qui leur sert dans ce dossier. Justesse des décors, attitude des personnages, c’est formidable ! »
Propos recueillis par Aurélien Ferenczi